Correspondances du bout des doigts

L’impact de la déficience visuelle sévère sur les apprentissages d’écriture-lecture entraîne un risque important de limitation de l'accès au monde de l'écrit et à l’expression écrite.
Au bout de quelques années d'expérience dans l'apprentissage du braille auprès d'élèves de 6 ans et plus, nous avons constaté plusieurs difficultés :

  • Les enfants sont peu familiarisés avec l’écrit,
  • Ils ne présentent pas d'appétence pour la lecture,
  • Leur vocabulaire est assez pauvre
  • Leur connaissance du monde extérieur, l‘ouverture aux autres est moindre.

L’inclusion scolaire est une réalité depuis de nombreuses années. Mais, les enfants déficients visuels doivent trop souvent s’adapter à la norme de la classe, c’est-à-dire au monde des voyants. Cela leur demande beaucoup d’efforts.
Nous avons souhaité mettre en œuvre ce projet de correspondance épistolaire afin que le monde des uns rencontre celui des autres par l’intermédiaire d’un support : la lettre.

L’objectif 4 du Développement Durable (ODD4) fixé par l’UNESCO à l’horizon 2030 propose d’assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. Cet objectif résume bien à lui seul la philosophie de notre projet de mise en place d’une correspondance en braille.
Au quotidien, les moments de partage entre enfants aveugles et enfants valides, ne sont pas très fréquents. Voyants et non-voyants se côtoient mais ne se connaissent pas. Ce projet se fixe cet objectif ambitieux d’ouvrir les enfants les uns aux autres et permettre des découvertes inédites. Ainsi, chacun appréhende et apprivoise la culture de l’autre : culture liée au pays, au handicap par l’intermédiaire des lettres en braille, en noir (gros caractères ou pas) et autres supports techniques : podcasts, messages sonores, vidéos audio-décrites. Il s’agit d’établir une correspondance régulière utilisant des machines à écrire en braille, des imprimantes classiques et/ou braille et un ensemble de moyens techniques facilitant les échanges.
Grâce aux nouvelles technologies, les barrières liées au handicap visuel s’estompent : un texte écrit à l’aide d’ordinateur est très facilement accessible en braille si l’on dispose du matériel nécessaire.

Concrètement, nous souhaitons mettre en place une correspondance écrite entre des enfants déficients visuels et des enfants ordinaires. Les établissements concernés par le projet se situent dans plusieurs pays francophones afin de favoriser les échanges dans une seule langue : France (Auvergne-Rhône-Alpes / Guyane / Polynésie), Madagascar et Cameroun.

Les enfants écrivent en utilisant le matériel dont ils disposent : certains vont écrire en braille, d’autres avec un stylo, d’autres enfin vont préférer communiquer par ordinateur. Le fait d’utiliser un matériel connu favorise l’écriture : chaque enfant s’exprime alors plus librement, l’expression écrite n’étant pas empêchée par une méconnaissance liée au matériel. C’est un aspect primordial pour nous. Mais une question s’est alors posée : comment rendre les supports des uns accessibles aux autres ? En effet, si un enfant écrit une lettre avec un stylo, son contenu ne sera pas lisible pour un enfant lisant en braille, et inversement.
Ce projet se propose d’être le chaînon manquant, le lien qui rendra les supports accessibles. Ainsi, l’Association VOIR centralise l’ensemble des lettres et les rend au besoin accessibles à leurs destinataires. Le support final peut être un enregistrement sonore, une vidéo adaptée, une lettre imprimée en noir ou embossée en braille. Nous souhaitons également permettre aux enfants de recevoir du courrier physiquement afin de pouvoir travailler la lecture ligne à ligne, tellement importante quand on lit en braille. Les enfants développent ainsi des compétences de lecture tactile et numérique qui leur seront nécessaires tout au long de leur vie. Le plaisir de recevoir un message d’un correspondant à l’étranger, de découvrir une culture différente, sont autant d’éléments de partage apprécié par les enfants.

Tout au long du projet, notre souhait est d’impliquer les parents afin de pérenniser cette correspondance. Nous espérons que les enfants continuent d’échanger entre eux bien après la fin du projet.
Nous souhaitons également que ce projet se développe en incluant davantage d’enfants. Nous avons d’ailleurs reçu l’accord de plusieurs établissements (La Réunion, Québec, Côte d’Ivoire et Burundi).

Nous remercions chaleureusement nos partenaires Fondation Lucie Care, Fondation La Poste, Maison Départementale de l’Isère, Région AURA.