Formations
Depuis de nombreuses années, nous oeuvrons afin de fournir des ressources et des formations aux enseignants locaux dans les pays en développement. Nous sommes spécialisés en techniques de compensation du handicap, notamment visuel.
Nous assurons la formation des enseignants et de leurs formateurs en proposant des stratégies d’enseignement dans les universités ou centres de formation professionnelle, en élaborant des programmes d’interventions précoces et d'enseignement liés à l'éducation inclusive des enfants handicapés. Nos formations comprennent un volet spécifique à l'entretien du matériel utilisé pour enseigner le braille : machines à écrire en braille et imprimantes spécifiques, appelées embosseuses.
Nous jetons ainsi les bases qui permettront aux enfants handicapés visuels des pays en développement d'avoir systématiquement accès à l’éducation. Jusqu’à aujourd’hui, nous avons mené des actions à Madagascar, en Afrique du Sud et au Cameroun où nous avons tissé des liens au sein des ministères et avec des associations comme Humanité et inclusion, CBM, Sights savers, UFA (Union francophone des aveugles) et AVH.
L’inclusion selon nous
Dans cette partie, nous voulions simplement évoquer avec vous notre ressenti quand nous avons entendu parler d’inclusion pour la première fois et notre position actuelle. Pour nous, ce terme fait forcément référence à l’inclusion des élèves handicapés dans une classe ordinaire.
En tant qu’enseignant, Marc entend souvent dire « L’inclusion, c’est la loi », mais ce n’est pas parce que c’est le cas que nous l’acceptons et la comprenons. Il y a quelques années, quand les premiers élèves ont été inclus, certains enseignants se demandaient comment ils allaient faire. Ils avaient le sentiment d’être dépourvus, l’impression d’être remis en cause dans les fondements même de leur métier d’enseignant. On a l’impression de ne plus savoir comment enseigner. Cela peut aboutir à des situations de rejet : soit on se remets en cause, soit on me bute et refuse. Un peu comme un cheval qui refuse un obstacle ! Avec le temps et en prenant en charge des élèves en inclusion, on s’aperçoit que ce n’est pas infaisable. Ce n’est pas si compliqué ! Il faut se fixer des objectifs simples et réalistes…et pouvoir s’appuyer sur des formations. Puis progressivement, cela devient naturel et on se demande même comment on faisait avant !
En tant qu’ergothérapeute, Marie constate que dans sa pratique « les réticences des enseignants (et des parents) viennent d’une peur du handicap liée à une grande méconnaissance: il y a nécessité de sensibilisations aux différents types de handicap. Il semble également important de bien distinguer handicap et situation de handicap.
Dans une classe à un moment donnée, n’importe quel élève peut se retrouver en situation de handicap pour certaines activités seulement : présence de ciseaux pour gaucher seulement alors que l’élève est droitier, élève qui a oublié son cahier, et ne peut donc pas noter ses cours… De même, un élève porteur de handicap n’est pas forcément désavantagé pour toutes les activités: s’il est en fauteuil roulant peut tout à fait suivre un leçon au tableau alors qu’un élève simplement myope placé au fond de la classe pourra avoir des difficultés à lire ce qui est écrit si l’enseignant ne dicte pas. Le texte suivant, issu de la déclaration de Salamanque illustre bien la diversité des élèves et de leurs besoins.
« Chaque enfant a des caractéristiques, des intérêts, des aptitudes et des besoins d’apprentissage qui lui sont propres, (…). les systèmes éducatifs doivent être conçus et les programmes appliqués de manière à tenir compte de cette grande diversité de caractéristiques et de besoins. »
Déclaration de Salamanque 1994 (UNESCO)
Un élève porteur de handicap a des besoins mais aussi et surtout des potentiels, il faut que l’école lui permette de les exprimer. Sa présence dans une classe peut s’avérer une richesse pour ses camarades. L’enseignant va devoir repenser sa pédagogie, utiliser d’autres techniques, méthodes pour le bénéfice de tous. Dans la vie de tous les jours, nous bénéficions tous de techniques inventées au départ pour compenser le handicap, qui nous facilitent la vie: télécommande, assistant vocal comme Siri, Alexa.… Il doit en être de même pour des méthodes d’enseignement.
Des outils pour permettre l’inclusion
Dans cette partie, nous allons évoquer les 3 leviers sur lesquels il faut agir pour permettre une inclusion réussie : la formation des enseignants, la création de centres de référence et l’élaboration d’outils pédagogiques.
Formation des enseignants
Des formations initiales et continues, avec des modules spécifiques au handicap sont primordiales.
Elles doivent être réalistes, adaptés aux pays et aux conditions réelles (nombre d’élèves dans les classes, matériel et moyens à disposition).
Pour cela, il est nécessaire de récolter des données par pays afin de répondre au plus près de la réalité sans calquer des réponses toutes faites. Sinon, on peut connaître des situations incongrues, comme nous l’avons constaté en Afrique du Sud. Le gouvernement a financé des ordinateurs pour lire et écrire en braille . Le directeur de l’école où nous étions nous disait que cela s’est avéré inutile car certaines familles n’avait pas d’électricité.
Ces formations doivent agir sur les enseignants et leur pédagogie :
- Il faut bien évidemment que les enseignants soient sensibilisés au handicap mais cela ne suffit pas.
- Il faut qu’ils acceptent de revoir leur pédagogie : ne pas faire qu’un cours magistral au tableau. Il s’agit de trouver d’autres manières d’enseigner.
- Ils doivent prendre en compte les diversités: l’enseignant doit s’adapter et trouver pour tous différentes voies. Il doit se questionner sur comment faire travailler telle ou telle compétence. Ne pas se dire que l’élève n’y arrivera pas a priori, mais comment faire en tant qu’enseignant pour qu’il y parvienne.
- Enfin, les enseignants doivent être déculpabilisés. Ils doivent sentir qu’on sait que cela leur demande un effort, mais qu’il leur faut continuellement apprendre et se remettre en question. Il faut les rassurer : tout ne sera pas parfait dans l’accueil de l’élève handicapé en inclusion et ce n’est pas bien grave.
Création de centres de référence
On ne peut pas être spécialiste de tous les types de handicap. Il faut donc pouvoir s’appuyer sur les établissements ou écoles spécialisés et les transformer en centres ressources de référence, qui vont pouvoir fournir une expertise et un soutien à des écoles ordinaires. Ils peuvent enseigner le braille, la langue des signes, faire des transcriptions, participer à la bonne tenue des examens, organiser des actions de sensibilisation et guider les enseignants ordinaires. Pour cela, il faut cependant :
- renforcer la capacité de ces enseignants spécialisés
- former des enseignants itinérants
- former des intervenants spécialisés en éducation précoce. Dans le domaine de la prise en charge du handicap, la nécessité d’une intervention précoce est primordiale. Plus on intervient tôt auprès des enfants et de leur entourage, mieux c’est.
Elaboration d’outils pédagogiques, de mallettes
Il est indispensable de fournir aux enseignants des outils pédagogiques prêts à utiliser dans les classes. Ils peuvent être élaborés au niveau national ou international et donnent un étayage aux enseignants en favorisant la mise en place d’une pédagogie inclusive. Nous l’avons fait en France pour les programmes scolaires de l’école maternelle. Nous avons repris chacun des 347 objectifs et établi des fiches conseils pour accueillir un élève aveugle, des fichiers d’apprentissage du braille, des exemples d’activités « sans la vue » pour tous. Ainsi, non seulement les enseignants non formés au handicap peuvent accueillir sans stress un élève déficient visuel, mais aussi proposer à l’ensemble de leur classe des activités multi-sensorielles, tout en respectant les programmes. Cette mallette appelée « Tactilou » est décrite en détail dans la partie « édition »
Quelques mots sur les évaluations. Ce qui est important lors d’évaluations est de savoir si l’élève a atteint les objectifs que l’enseignant ou l’école a fixés. Pour cela, plusieurs tests peuvent être mis en place. Il faut qu’ils soient adaptés au handicap de l’élève tout en permettant d’évaluer si la compétence visée est atteinte. Si on demande à un jeune élève aveugle d’entourer 5 poissons représentés sur un dessin non tactile, il n’y arrivera pas. En revanche, si on lui demande de me donner 5 cailloux, il le fera sans problème. L’élève aura montré qu’il a atteint l’objectif scolaire attendu par l’enseignant, à savoir « Associer un nombre à une quantité ». Ainsi, il n’est pas nécessaire de refaire les programmes scolaires mais simplement de changer les modes d’évaluations.Ces adaptations souvent simples bénéficient à tous les élèves et permettent même de ne pas perdre certains enfants sans handicap en route.
Des pratiques bénéfiques pour tous les élèves
Certains conseils donnés aux enseignants accueillant des élèves déficients visuels sont utiles pour tous.
Oraliser, dire ce que l’on écrit, ce que l’on fait, ce que l’on montre, veiller à donner un vocabulaire descriptif détaillé. Cela permet de rendre l’auditoire attentif, de l’impliquer. L’enfant va ainsi pouvoir développer sa mémoire auditive, en complémentarité des autres entrées (visuelle, kinesthésique).
Décrire les documents écrits ou images. Il s’agit de donner à l’oral des informations sur des supports visuels. Par exemple: « sur la feuille que je vous distribue se trouve le schéma d’une cellule. Il ‘agit d’une forme globalement ronde, entourée d’une membrane fine, au centre de laquelle se trouve le noyau, lui aussi de forme ronde. Le noyau fait à peu près 1/10ème de la taille de la cellule. A l’intérieur de cette cellule se trouve le cytoplasme». Cela va permettre à l’élève déficient visuel d’avoir des repères de pouvoir comprendre et suivre le cours. Ses camarades vont eux aussi bénéficier de toutes ces informations complémentaires. Pouvoir décrire un document c’est savoir en retirer les éléments importants. Partir du général vers les détails. Cela donne des clés aux élèves pour apprendre à faire des résumés, des synthèses.
Tous les enfants bénéficient de ces bons conseils, qu’ils souffrent ou non de certains troubles : du spectre autistique, de l’attention, de la concentration, troubles « dys » - dysphasie, dyslexie, dysorthographie dyscalculie, dyspraxie), ou déficiences (visuelle, auditive, intellectuelle).
L’apprentissage par des modalités multi-sensorielles, pour de jeunes élèves
Le monde qui nous entoure est essentiellement visuel. Les enfants le découvrent et l’appréhendent avec leurs yeux. La vision est un moyen rapide d’accès à l’information, c’est le sens de l’immédiateté. Cependant, elle ne permet pas toujours à un jeune enfant de comprendre. D’autres sens, d’autres modalités d’apprentissage facilitent une exploration constructive, une meilleure compréhension et intégration des savoirs.
Le sens du toucher par exemple , bien que plus lent est personnel, intime. Il fait sentir, ressentir. Il permet d’apprécier, d’intégrer, d’assimiler en profondeur. Le toucher et la manipulation d’objets apportent des informations supplémentaires à la vue. Un apprentissage multi-sensoriel est bien plus efficace et durable. Toutes les modalités sensorielles (tactiles et visuelles , auditives, proprioceptives, kinesthésiques) se complètent et renforcent la compréhension et la mémorisation.
Nous avons écrit des livres tactiles et conçue puis testée en France, au Cameroun et à Madagascar une méthode qui se base sur un apprentissage multi-sensoriel pou les plus jeunes. Elle permet de travailler les objectifs scolaires avec du matériel peu onéreux: objets du quotidien, de récupération, de bricolage. En voici 2 exemples.
La boîte à oeufs
Permet de travailler le tri d’objets (par matière, forme, taille…), la motricité fine et les préhensions (avec les doigts, avec des pinces) et ensuite d’aborder des concepts mathématiques: comptage, dénombrement, correspondance terme à terme, les suites, les rythmes, les tableaux à double entrée, les quadrillages…
La planche à clous
Permet de découvrir des notions d’espace et géométrie en manipulant, en traçant des formes géométriques planes sans papier, ni stylo. Quelques élastiques suffisent ! C’est une étape importante intermédiaire entre l’apprentissage avec des formes en 3D et la représentation sur papier.
En conclusion, pour une éducation inclusive réussie, il faut :
- Avoir une politique d‘intervention et de prise en charge précoce du handicap
- Rassurer les enseignants et les parents: en les sensibilisant et les formant
- Combattre les préjugés
- Cela ne revient pas plus cher d’inclure
- Les enfants handicapés ont des potentiels et peuvent suivre une scolarité ordinaire
L’inclusion à l'école c’est possible, utile et bénéfique à tous.
Travaillons ensemble et atteignons le cap ambitieux fixé par l'UNESCO d'ici 2030, au niveau mondial !